En Tunisie, les femmes dénoncent l’inaction face aux violences et à l’impunité

Le 30 novembre 2019, à Tunis, plusieurs centaines de militantes féministes et de citoyens, hommes et femmes, se sont réunis pour manifester contre le manque d'application de la loi contre les violences faites aux femmes, votée en 2017. Lors de cette manifestation, marquée par des bruits de casseroles et des slogans tels que « A bas le patriarcat » et « Nous voulons une vraie égalité, pas seulement sur le papier », les participants ont exprimé leur frustration face aux promesses non tenues et aux violences persistantes dans la société tunisienne.

Cette année 2019 a été particulièrement difficile pour les femmes tunisiennes, avec plusieurs drames comme la mort d'ouvrières agricoles dans des accidents de travail, ainsi que huit cas de féminicides au cours des dernières semaines de l'année. Ces faits ont mis en lumière la violence systémique à laquelle les femmes sont confrontées, notamment dans des secteurs vulnérables comme l’agriculture et la route.

Cependant, malgré ces tragédies et la pression croissante de la société civile, le monde politique reste largement indifférent aux préoccupations des femmes. Des projets de lois importantes, comme celle sur l'égalité dans l'héritage, n'ont pas été discutés au parlement, et des scandales sexuels, comme celui d'un député surpris en flagrant délit de harcèlement sexuel, continuent de défrayer la chronique sans qu'aucune mesure concrète ne soit prise pour y mettre fin.

Les récentes affaires, comme celle du rappeur Klay BBJ, arrêté après avoir incité à la violence envers une chroniqueuse, montrent également la banalisation de la violence et du discours de haine. Bien que des mouvements comme #EnaZeda aient permis aux femmes de briser le silence et de dénoncer publiquement ces actes, les soutiens masculins à ces comportements persistants génèrent un climat d'impunité qui nuit à la lutte pour les droits des femmes.

Malgré l'adoption de la loi 58 contre les violences faites aux femmes, les progrès restent très lents. Bien que quelques centres de soutien aient été ouverts, les plaintes pour violences conjugales et sexuelles augmentent, sans que des statistiques claires ne montrent l'impact réel de ces plaintes dans la justice. De plus, le manque de financement et d'engagement politique sur cette question empêche un véritable changement dans la lutte contre les violences sexistes et l’égalité entre les sexes, comme le déplore Yosra Frawes, présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates.

Source de la photo : Fethi Belaid / AFP