Paris – Genève – Copenhague, le 19 février 2015 – L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT, ainsi que le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) et la Fédération Euro-méditerranéenne contre les Disparitions Forcées (FEMED), condamnent l’intrusion des autorités marocaines dans les locaux de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) ainsi que l’agression de l’une de ses militantes.
Le dimanche 15 février 2015 au soir, les forces de l’ordre marocaines, accompagnées d’une quarantaine de personnes en civil et armées d’instruments en fer, ont fait irruption dans les locaux de l’AMDH, encerclés depuis la matinée. À cette occasion, une membre de l’administration centrale et de la commission administrative de l’AMDH, Mme Rabea Bouzidi, a été physiquement et verbalement agressée. Cherchant à lui arracher les clefs de son logement et des locaux de l’association, quatre personnes se sont en effet précipitées sur elle et l’ont mise à terre, l’empêchant de respirer. Mme Bouzidi a été transférée à l’hôpital dans un état préoccupant. Plus tôt dans la journée, les forces de l’ordre marocaines avaient déjà tenté de pénétrer dans les locaux de l’AMDH, ce que M. El Haij, président de l’association, avait refusé en l’absence de mandat officiel.
Cette intrusion dans les locaux de l’AMDH visait deux journalistes français, Jean Louis Perez et Pierre Chautard, de l’agence Première Ligne, venus proposer à des membres de l’AMDH de les interviewer au sujet du « mouvement du 20 février ». Les deux journalistes étaient au Maroc dans le cadre d’un tournage pour le compte de France 3 sur l’économie marocaine.
Les autorités ont procédé à la confiscation de leur matériel, y compris de leurs téléphones, au motif qu’ils ne disposaient pas encore d’une autorisation officielle en dépit d’une demande formulée plusieurs semaines auparavant auprès des autorités marocaines[1]. Ces derniers ont été renvoyés du sol marocain le 16 février, sans pouvoir récupérer leur matériel ni le contenu de leur tournage.
L’Observatoire, le REMDH et la FEMED condamnent l’agression de Mme Rabea Bouzidi et l’intrusion des forces de l’ordre dans les locaux de l’AMDH, qui constituent une grave entrave à la liberté d’association. Nos organisations s’inquiètent des actes de violence perpétrés par les forces de l’ordre à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme, et déplorent plus généralement la recrudescence des entraves à la liberté d’information, d’association et de réunion au Maroc depuis plusieurs mois[2].
Nos organisations appellent les autorités marocaines à garantir la liberté d’association des défenseurs des droits de l’Homme en toutes circonstances, ainsi que la sécurité des membres et locaux des ONG de défense des droits de l’Homme, notamment ceux que les journalistes ont pu rencontrer, conformément à l’article 29 de la Constitution marocaine, à l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), et à l’article 5.b de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998.
Pour plus d’informations, merci de contacter :
FEMED: Nassera Dutour, secretariat.femed@disparitions-euromed.org, +33 7 60 21 06 22
FIDH : Arthur Manet / Audrey Couprie : presse@fidh.org / +33 1 43 55 25 18
OMCT : Miguel Martin Zumalacarregui : mmz@omct.org / +41 22 809 49 22
REMDH : Hayet Zeghiche : hze@euromedrights.net /+32 488 08 00 41
[1] Les journalistes, qui avaient formulé une demande d’autorisation auprès des autorités, pensaient toutefois exercer dans la légalité, leur requête n’ayant pas reçu de réponse. Ils s’apprêtaient à faire le suivi de leur demande d’autorisation le 16 février auprès des autorités.
[2] Cf. communiqués de presse de l’Observatoire du 29 juillet 2014 et du 7 octobre 2014 et du REMDH du 2 octobre 2014, ainsi que la lettre ouverte du REMDH au Ministre de l’intérieur Mohamed Hassad du 26 Novembre 2014 et la lettre ouverte du REMDH à l’Union européenne du 5 décembre 2014.
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MAROC : Le CNDH et la reconnaissance des dépouilles des disparus.
10 mai 2016
Le Conseil National des Droits de l’Homme a remis ce mercredi 4 février 2015, à la famille Ouzzane Belkacem, ses résultats d’analyse ADN concernant la dépouille présumée de leur père en levé en 1973 et séquestré depuis lors à Agdz. La famille du disparu Ouzzane a émis des réserves sur ces résultats.
L’APADM s’associe à la famille Ouzzane pour qu’elle puisse exercer son droit de recourir à une contre-expertise afin de se rassurer et prendre confiance.
L’APADM déplore d’autre part, l’approche et la méthode suivie par le CNDH dans cette procédure d’identification qui ne permettent pas d’instaurer la confiance et la sérénité nécessaires.
Il a fallu en effet presque 9 ans (prélèvement fait le 27 mai 2006) au CNDH pour annoncer ce premier résultat.
Des dizaines de cas restent à ce jour non traités. Et le recours à l’analyse ADN n’a pas été généralisé.
Il persiste des dizaines de cas de dépouilles non recherchées ou retrouvées et dont les circonstances de décès présumés n’ont pas été élucidées.
Il est universellement reconnu que l’identification avec certitude des dépouilles est un élément majeur de la réparation due aux familles des victimes. Le manque d’identification est une scélératesse infligée à la victime et une avanie à ses proches.
Les parents concernés doivent être associés au processus d’identification des dépouilles et de la recherche de la vérité, comme il est établi dans les autres pays.
L’APADM, pour sa part, est en mesure de contribuer à cette association soutenue en cela par des experts internationaux de la Croix Rouge à Genève, des experts d’Argentine, de Bosnie, de Chypre qui ont déjà manifesté leur solidarité effective.
Dans ce domaine, le CNDH doit s’ouvrir d’avantage au regard des survivants, des parents des victimes, des associations, des journalistes et des historiens.
Nul ne peut occulter la vérité, ni se résigner face aux pressions de ceux qui veulent éviter de froisser les anciens tortionnaires.
Le fardeau de la mémoire a été porté pendant trop longtemps par nous, les victimes et les familles de disparus et par nous seules.
La réparation véritable est une des conditions majeures pour l’établissement de l’Etat de droit.
L’APADM - Paris le 9 février 2015
as.apadm@gmail.com