Rapport : Visite du Kosovo

Du 5 au 6 Avril 2012, la FEMED s’est rendue au Kosovo afin de mettre en lumière la complexe et douloureuse situation des victimes directes et indirectes des disparitions forcées qui persistent encore aujourd'hui, plus de deux décennies après la fin du conflit. À travers des rencontres avec des acteurs clés des discussions essentielles ont eu lieu sur les efforts de récupération et d'identification des victimes de cette tragédie humaine.

 Au premier jour de cette visite, la FEMED a pu rencontrer Ylber Morina, chargé de projet Justice et Société civile, et Amor koshi, coordinateur Médecine légale au sein de l’International Commission on Missing Persons (ICMP)

Après avoir accueilli la FEMED dans les locaux de la Commission Internationale pour les Personnes Disparues (ICMP), Ylber Morina et Amor Koshi nous ont présenté la situation actuelle au Kosovo concernant les disparitions forcées. En effet, au cours du conflit qui a ravagé le Kosovo en 1999, environ 4 400 personnes ont été recensées comme disparues et, à l’heure actuelle, plus de 2 000 d’entre elles restent encore portées disparues.

Dès lors et depuis 1999, la mission de l’ICMP repose sur l’appui du travail de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), des Institutions provisoires d’auto-administration (provisional Institutions of Self-Government - PISG) et du gouvernement de Serbie afin de déterminer le sort des personnes disparues lors du conflit.

En vertu de son accord avec la MINUK, l’ICMP a pu comparer les échantillons d’os, provenant de la MINUK et des autorités serbes, avec les échantillons de sang prélevés, sur des proches de disparus, par l’ICMP. A ce jour, l’ICMP a recueilli plus de 90% des échantillons de référence de sang nécessaires pour une potentielle correspondance avec les échantillons d’os des dépouilles exhumées. L’ICMP soutient également le développement des associations de familles de disparus. Cette aide fut constituée de l’organisation de réunions régulières, d’une série d’ateliers pour renforcer les compétences des associations au niveau du plaidoyer, de la planification de projet, des demandes de subventions, ainsi que de la communication et de la résolution des conflits. En outre, l’ICMP a appuyé les associations de familles de disparus dans l’organisation de deux conférences sur le thème suivant : “Vérité et paix”. 

Au même jour, la FEMED a pu rencontrer Prenkë Gjetaj, Président de la Commission gouvernementale pour les personnes disparues au Kosovo. Ce dernier prit la parole, suite à une présentation de la FEMED par Nassera Dutour, présidente de la fédération. Il a introduit ses propos en corroborant le fait que les disparitions forcées sont, encore aujourd’hui, un problème d’actualité au Kosovo. En effet, les militaires serbes, mais également des civils rémunérés, ont procédé au massacre d’Albanais du Kosovo ainsi que de quelques Serbes du Kosovo. Des massacres ont été perpétrés sur l’ensemble du territoire, et de nombreux corps ont été ensuite jetés dans les rivières, brûlés ou ramenés en Serbie afin d’être enterrés. 

C’est ainsi que le problème de l’identification des corps s’est posé. La Commission gouvernementale pour les personnes disparues du Kosovo coordonne l’ensemble des partenaires qui travaillent sur la problématique de l’identification des corps. C’est la Croix Rouge qui a été la première à travailler sur cette problématique dès la fin du conflit. Elle réalisa un travail d’intermédiaire entre les autorités serbes de Belgrade et les autorités de Pristina. 

Ainsi, Prenkë Gjetaj a souligné l’importance d’avoir un médiateur plus puissant que soi, afin de faire pression sur les autorités serbes, dans le but de les voir communiquer les différents lieux où les albanais du Kosovo ont été enterrés, de pouvoir identifier les corps et les rendre aux familles. Le président de la Commission gouvernementale pour les personnes disparues du Kosovo a indiqué que l’Union Européenne a été informée de ce problème, en cela que les familles de disparus ont formulé la demande quant à l’organisation de rencontres spéciales entre Belgrade et Pristina, sous l’égide de l’UE.  

Selon Prenkë Gjeta, le problème des disparitions forcées est utilisé d’une manière politique, comme monnaie d’échange par les autorités – citant notamment l’arrestation de Ratko Mladić. Ainsi, les Serbes détiendraient, selon ses propos, de nombreuses informations sur l’emplacement des charniers qu’ils ne veulent pas révéler. La Commission se voit ainsi placée sous la tutelle du premier ministre du Kosovo et rassemble les informations des organisations de familles de disparus serbes et albanais. Dans le cas où un charnier est découvert, la Commission obtient, avec l’accord de la justice, les agréments pour l’ouvrir et récupérer les corps. L’ensemble du travail de cette Commission est ensuite relayés aux associations de familles de disparus.

Prenkë Gjetaj a longuement insisté sur l’importance de la pression de la Communauté internationale sur les autorités serbes pour pouvoir récupérer des informations sur l’emplacement des charniers. Ces informations sont souvent détenues par d’anciens voisins des Albanais du Kosovo disparus. Notons cependant que l’ensemble des disparus ne sont pas obligatoirement enterrés en Serbie, en cela que nombreuses victimes ont été brûlées ou jetées dans les rivières. 

Quatre cents corps entreposés dans la morgue de l'hôpital de Pristina restent non-identifiés et pourraient, selon le Président de la Commission, s’expliquer par le fait que l’ensemble des Serbes n’ont pas donné d’échantillons de sang, permettant l’identification de leurs proches disparus. D'autre part, environ deux milles personnes ont été identifiées grâce à d’anciennes méthodes, comprenant les simples descriptions physiques, les conclusions médicales, ainsi que les indices matériels et les vêtements trouvés sur les corps. Celles-ci peuvent compléter les autres méthodes d’identification, telle que la médecine légale, mais ne se suffisent pas à elles-même. Dès lors, Prenkë Gjetaj a mis en évidence que des erreurs ont pu être commises quant à l’identification des corps. Il s’est finalement avéré que la réouverture des tombes représente un défi majeur pour ladite Commission, en cela qu’il est difficile, pour les familles, de concevoir une nouvelle. 

Il fut également traité du projet de la Fédération quant à l’organisation d’un séminaire dans les Balkans pour rassembler les associations de familles de disparus de la Bosnie-Herzégovine, de la Serbie et du Kosovo autour d’un thème relatif aux disparitions forcées. Il manifeste son enthousiasme sur ce point. Finalement, le dernier jour fut consacré aux rencontres, d’abord de l’adjoint au maire de la ville de Suhareka ainsi que, ensuite, des familles de disparus de la ville.

Source de la photo : Srdjan Suki / EPA, Belgrade, 03.2004